CEPII, Recherche et Expertise sur l'economie mondiale
Les dilemmes d’une réindustrialisation (verte) en économie ouverte


Thomas Grjebine
Jérôme Héricourt

La politique industrielle se définit comme l’intervention de la puissance publique dans l’économie afin d’en modifier la structure de production. Si, en théorie, la transformation dont il s’agit peut concerner tous les secteurs, y compris celui des services, en pratique la politique industrielle porte le plus souvent sur le secteur manufacturier. Le retour en grâce des politiques industrielles, accéléré par la crise sanitaire qui a révélé les vulnérabilités liées aux dépendances extérieures, s’explique également par une prise de conscience des conséquences sociales et politiques de la désindustrialisation. L’un des objectifs clairement affichés par l’administration Biden, notamment dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA), est ainsi de redévelopper un secteur manufacturier domestique autour des industries vertes, pourvoyeur d’emplois et de meilleures rémunérations pour les classes moyennes. Ce faisant, les États-Unis se détachent partiellement de la mondialisation et de la libéralisation commerciale, deux piliers d’un modèle favorisant le pouvoir d’achat du consommateur au prix d’une concurrence accrue pour la production manufacturière nationale. Cette tension fondamentale entre consommateurs et producteurs est à la source d’une des difficultés d’une politique de réindustrialisation, qui se traduit, au moins temporairement, par des hausses de prix. La question est d’autant plus délicate pour nombre de pays avancés qui ont fondé leur modèle de croissance sur la consommation. Avec la transition écologique, une autre tension inhérente aux politiques industrielles resurgit : face à une concurrence internationale intense, les pays peuvent-ils réussir à développer des «industries naissantes» vertes sans recourir à des mesures de protection ? Au final, comment réindustrialiser en économie ouverte dans un contexte de transition écologique ? Ces tensions entre consommateurs et producteurs, entre ouverture et protection sont particulièrement fortes en Europe et dans la zone euro, du fait notamment de la disparition du taux de change comme mécanisme d’ajustement. Des pistes existent cependant pour éviter le retour de politiques non coopératives dont le risque serait de fragmenter la zone euro.
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 L'économie mondiale 2024
La Découverte, 2023

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